Correspondances de Louis-Joseph Papineau

Sur les traces du passé avec Georges Aubin

« Lorsque le temps sera venu de publier tout ce que je pourrai réunir de la correspondance de mon père, elle le sera dans son entier et dans tous ses rapports divers; et sous la garantie de sa famille. » Ce désir d’Amédée Papineau adressé à L.-O. David, en 1883, n’aura jamais été réalisé de son vivant. Pour le chercheur en histoire Georges Aubin, l’aventure commence dans les années 1970, lors d’une visite à Saint-Denis. Depuis, ses recherches l’ont conduit à la rédaction de 77 livres, incluant les correspondances de Louis-Joseph Papineau.

Professeur, auteur et chercheur en histoire, Georges Aubin a été récipiendaire de nombreuses distinctions, dont la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec, en 2004, et la Médaille de la Société historique de Montréal « pour sa contribution à l’histoire », en 2015. Il reçut en 2003 une bourse du Conseil des Arts du Canada afin de se rendre à Paris et à Dublin, y trouver les correspondances de Louis-Joseph Papineau durant son exil aux États-Unis et à Paris, de 1837 à 1845.

Spécialiste des patriotes du Bas-Canada, de 1837 à 1838, M. Aubin n’a pas un parcours d’historien proprement dit. Ce dernier a plutôt fait ses études en pédagogie et a enseigné à la Commission scolaire régionale Jérôme-Le Royer, de 1967 à 1997.

« Je suis rentré au couvent de la Congrégation-de-Notre-Dame en 1967, pendant l’Expo. C’étaient mes plus belles années!  J’enseignais le latin à une classe de 40 jeunes filles qui voulaient travailler. C’étaient les meilleures! J’y ai enseigné pendant huit ans et j’ai adoré cela. Ensuite, l’école a fermé et c’est devenu les écoles publiques », raconte Georges Aubin.

C’est en parallèle avec l’enseignement que M. Aubin a entamé ses recherches en histoire. « J’avais beaucoup de temps libre », dit-il. En 1992, il publia son premier livre, Jean-Philippe Boucher-Belleville; Journal d’un patriote (1837-1838). « J’ai trouvé le texte et il n’avait jamais été publié. Je me suis dit qu’il fallait publier cela. »

De Wolfred Nelson à Louis-Joseph Papineau

Son intérêt pour les patriotes remonte dans les années 1970, lors d’une visite en famille à Saint-Denis-sur-Richelieu. « La bataille de Saint-Denis m’intéressait beaucoup. J’y ai vu un petit monument à la mémoire de Louis Marcoux qui fût le premier martyr des patriotes. » Cette visite le conduisit à des recherches sur Wolfred Nelson, une des têtes dirigeantes du mouvement patriotique, mais il n’était pas encore question d’entreprendre des recherches sur Louis-Joseph Papineau à ce moment.

« Mon ami me demande : « Tu fais les patriotes, alors pourquoi ne fais-tu pas Papineau? » Je lui ai répondu que cela allait prendre le reste de ma vie et que cela ne me tentait pas! Mais ça m’est resté dans la tête », raconte le chercheur.

« Je savais que Papineau était le grand chef des patriotes, mais il m’effrayait un peu, poursuit-il. Parce que c’est un grand, un très grand! Il a écrit beaucoup de choses et me lancer avec Papineau était une entreprise qui m’échappait. C’est là que ma femme s’est jointe à moi. Nous avons été deux à faire cela. »

La retraite de l’enseignement arrivait à point avec le projet. Georges Aubin et Renée Blanchet s’attelèrent à la tâche et annotèrent six livres sur Louis-Joseph Papineau qui furent préfacés par le professeur et auteur Yvan Lamonde, soit Lettres à Julie (2000); Lettres à ses enfants (1825-1871), tome I et tome II (2004); Lettres à divers correspondants (1810-1871), tome I et tome II (2006) et Lettres à sa famille (1803-1871) (2011). L’ouvrage Lettres inédites paru plus tard, en 2019, après qu’une femme ait déposé ces correspondances dans un dépôt d’archives. « Elle avait ça dans sa garde-robe », dit-il.

Des documents précieux

La recherche archivistique présente son lot de difficultés pour les chercheurs en histoire, notamment en raison de l’accessibilité à certains manuscrits ou archives, souvent disséminés dans plusieurs centres d’archives. Dans le cas des correspondances de Louis-Joseph Papineau, ce sont 1 800 lettres, dont certaines d’une trentaine de pages, dispersées dans le pays et à travers le monde, qui ont été rassemblées par M. Aubin. Au terme de neuf années de recherche, ce dernier a cumulé l’unique copie intégrale des correspondances de Papineau disponibles en circulation. Dans ce cas précis, ce sont les correspondances de Papineau à une certaine Mme Dowling, une Irlandaise, qui ont complexifié ses recherches.

« J’ai beaucoup cherché des lettres de Papineau à Mme Dowling lorsqu’il était en exil à Paris. Il a rencontré cette dame et il est allé la visiter en Irlande, avant de revenir au pays en 1845. Il y avait des lettres d’elle à lui et une seule de lui à elle. Mais il devait en avoir beaucoup d’autres en Irlande. Je suis donc allé les chercher à Dublin, mais je ne les ai pas trouvées. »

Ce n’est qu’après avoir eu recours aux services d’une chercheuse que M. Aubin en apprit davantage sur cette Mme Dowling. « J’étais parti sur la piste qu’elle avait 25 ans au moment de ces correspondances, mais elle en avait 35. Papineau n’était pas bon en calcul. C’est lui qui m’a induit en erreur », dit-il. Cette dame décéda seule dans un hospice au début des années 1900. « Elle s’était remariée et n’avait probablement pas conservé les lettres de Papineau », songe-t-il.

Cette recherche outre-mer en France, en Irlande et en Italie le conduisit à la publication de nombreux livres sur Papineau et sa famille, y compris la rédaction d’un dictionnaire des personnes rencontrées par Papineau lors de son exil à Paris. Tous des ouvrages qui s’avèrent, de nos jours, fort utiles pour la recherche. Mais en quoi ces correspondances peuvent-elles être une source de renseignements pour les chercheurs en histoire?

Un populiste avec des idées

Les livres d’histoire dépeignent Louis-Joseph Papineau comme un homme austère[1] qui imposait ses idées. Ses correspondances révèlent plutôt un homme sensible, aux idées avant-gardistes pour leur époque et souvent mal comprises de ses collègues députés à la Chambre des communes.

« En fait, c’était un homme très émotif qui le cachait très bien, précise M. Aubin. C’était un type qui avait beaucoup d’humour, un humour fin. C’était un homme qui avait un don pour faire des discours rassembleurs. »

Louis-Joseph Papineau fut le premier à parler d’union avec les États-Unis. Ce qui lui fut d’ailleurs reproché à l’époque, explique M. Aubin.

« C’était parce que l’on ne le comprenait pas et on ne le comprenait toujours pas jusqu’à ce que nos correspondances soient publiées. Maintenant, c’est très clair! Selon lui, s’unir avec les États-Unis ne signifiait pas perdre le français. D’ailleurs, il y avait beaucoup de francophones aux États-Unis à son époque et les états américains ont beaucoup plus de pouvoir que les provinces canadiennes. On peut penser qu’il aurait été possible de conserver la langue française. Donc, Papineau n’était pas si fou! Il avait l’idée d’un grand pays républicain. »

« En 1837, nous n’étions rien d’autre qu’une colonie anglaise, rappelle le chercheur. C’est pour cette raison que Papineau voulait faire l’indépendance à l’Angleterre. Lorsqu’il s’est rendu à Londres, en 1823, pour tenter d’empêcher l’alliance entre le Haut et le Bas-Canada, on lui disait : « Vous allez l’avoir votre indépendance. » Mais ce n’est pas arrivé. Il croyait donc que l’indépendance viendrait d’une association avec les États-Unis d’Angleterre. »

Ces idées étaient celles d’un gouvernement responsable au service du peuple avec une économie comme celle des États-Unis. Lors d’un discours en mai 1837, Papineau prônait la consommation locale et privilégiait la contrebande avec les États-Unis plutôt que la consommation de produits anglais. Des idées qui, de toute évidence, faisaient échos au sein de la population sans toutefois interpeller ses collègues députés. « En 1850, Papineau était adoré du peuple. C’était un populiste, mais un populiste avec des idées! »

Louis-Joseph Papineau abandonna la politique lorsqu’il réalisa qu’une union avec les États-Unis ne serait pas possible. Il se retira de la politique, puis s’installa dans son manoir situé à Montebello, après 1850. Il décéda le 23 septembre 1871.

En 2020, Georges Aubin fit don de l’intégralité des correspondances de Louis-Joseph Papineau à la Société historique Pierre-de-Saurel. Bien qu’il s’agisse de photocopies, ces documents, ainsi que les publications qui en découlent, sont disponibles à des fins de consultation par le biais de la collection Georges Aubin.

Jocelyn Daneau, président de la Société historique Pierre-de-Saurel; Georges Aubin, donateur et Geoffrey Shayne Packwood, directeur général de la Société historique Pierre-de-Saurel.
P333, Collection Georges Aubin

[1] OUELLET, Fernand, Louis-Joseph Papineau, dans Dictionnaire biographique du Canda < http://www.biographi.ca > (page consultée le 15 juillet 2020).

Catégorie(s) : Histoire du Québec

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *