Couverture d'album Malajube

Les 20 ans du premier album de Malajube

Il y a 20 ans cette année que sortait le premier album de Malajube1, Le Compte Complet. Ce premier album d’une demi-heure réservait, pour les gars de Sorel, un brillant avenir dans le monde de la musique. La sortie officielle de l’album avait lieu le 2 novembre 2004, sous l’étiquette Dare to Care Records (maintenant Bravo), mais c’est le 7 décembre qu’est lancé l’album au Café Campus à Montréal. Cette éphéméride plus moderne qu’à notre accoutumé mérite d’être soulignée, car les musiciens natifs de Sorel-Tracy ont marqué l’histoire de la musique québécoise.

La scène musicale

Le début des années 2000 était effervescent pour la scène musicale québécoise. Malajube jouait du coude avec des jeunes 3 accords, Karkwa, Les Dales Hawerchuk, Plywood ¾, Gwenwed et même Les Cowboys Fringants, qui avait sorti à la fin du mois de novembre leur mythique Grand-Messe.

À la page 12 du journal La Presse, dans le cahier Arts et spectacle du 27 novembre 2004, apparaît la critique de La Grand-Messe et du Compte Complet, ce dernier surpassant d’une demie étoile son contemporain, selon son critique Philippe Renaud2, pour qui le principal défaut de l’album est d’être trop court!

Dès Le Compte-Complet, Malajube à sa signature propre et toute particulière, avec les voix de Julien Mineau et de Thomas Augustin qui se répondent comme un écho dans un puits, la batterie métronomique et sèche de Francis Mineau (le seul métronome qu’ils n’ont pas détruit), les synthés rappelant les jeux vidéo des années 1990 de Thomas Augustin, la guitare parfois rock garage, parfois atmosphérique de Julien Mineau et cette basse résonnante et appuyée de Mathieu Cournoyer!

Distinctions et passage à l’histoire

En 2005, ils remportent le MIMI (Initiative musicale internationale de Montréal, Festival qui serait éclipsé par le GAMIQ) dans la catégorie Étoile montante, avant de collectionner les trophées (GAMIQ, ADISQ, Socan, Polaris, Juno) l’année suivante, à la sortie de leur deuxième album, Trompe l’Oeil. L’album n’est pas encore sorti qu’on reproche déjà aux grands galas de ne pas célébrer le talent du quatuor qui récompense des « artistes micro-ondes » servant du « réchauffé »3.

Ces 20 ans de recul nous permettent de constater que si les critiques de l’époque avaient toutes de chaudes paroles pour Malajube, les comparaisons à des groupes comme The Unicorns, Franz Ferdinand et The Stars ne pouvaient réellement refléter l’essence du groupe québécois. J’ai tenté de me prêter, en toute humilité, à l’exercice de la comparaison pour cet article et, hormis, quelques secondes d’un riff de guitare ou d’un slam à la batterie qui venait me titiller l’oreille de « peut-être que c’est apparenté à tel autre groupe », je n’ai franchement pu leur trouver un pareil. Malajube est incontestablement unique.

L’unicité de Malajube est certainement stylistique, mais aussi dans la personnalité de ses membres, notamment de Julien Mineau qui, déjà en 2005, trouvait contre nature d’être (re)connu. Il dit en entrevue à La Presse : « on n’est pas habitués à ce qu’on parle de nous. Ça me met un peu mal à l’aise.4 » Un malaise avec lequel il luttera néanmoins jusqu’en 2011, date de sortie de leur dernier album La Caverne. C’est après la tournée pour ce dernier album que Mineau prend définitivement congé du groupe et de la vie sur scène, mettant définitivement au placard Malajube.

Nostalgie et scène rock

Ma recherche pour cet anniversaire m’a replongé dans la nostalgie douce de mon adolescence, alors que je découvrais Le Compte Complet et que je me targuais d’être « donc cool » à écouter le rock underground. Moi, qui était jeune adolescente à Montréal, je portais des t-shirts de bands, pantalon pattes d’éléphant, cheveux longs et toupette dans la face, je m’en allais avec mon discman (j’achetai la 5e génération d’iPod en 2005!) et mes amies en gueulant des paroles du Robot Sexy (il pleure). On se maquillait gros et on prenait des airs d’adulte pour rentrer à l’Hémisphère Gauche ou à l’Esco, moins regardant sur les cartes que le Café Campus, pour voir Malajube, Le Nombre, Comme un homme libre, Les Breastfeeders, Nitrosonique, The Hot Springs, Call me poupée, et plein d’autres.

La métropole était, dans ces années, une plaque tournante pour le rock indé et grunge, à tel point qu’on commençait à la considérer comme une nouvelle Seattle5. Et Montréal se réclamait sans gêne de Malajube, dont les racines sont bel et bien soreloises.

Julien Mineau était pourtant convaincu du manque d’intérêt de sa ville natale pour sa musique. Il disait au journal Le Devoir : « Le monde de Sorel va pas aimer ce qu’on fait, je pense6 ». Était-ce cette idée qui les a gardés loin des scènes de la ville pendant deux ans? Ils ont finalement revisité le berceau de leur enfance en 2006, en donnant des spectacles au Centre communautaire Notre-Dame et en participant au Festival de la Gibelotte7 – quintessence de la sorelité.

Programmation
Société historique Pierre-de-Saurel, P325, Fond Festival de la Gibelotte. Programmation Festival de la Gibelotte en 2006.

Et vous, étiez-vous de ce « monde » qui « allait pas aimer ce qu’ils font » ?

Et maintenant…

Vous pouvez continuer à suivre les anciens membres du groupe, Francis Mineau avec Oothèque, Axlaustade, Feu la nuit et Musique pour Planches, Thomas Augustin avec Jacquemort, mais aussi en coulisse comme compositeur, producteur et mixeur, vous pouvez aussi entendre sa pièce Éclipse sur Soundcloud, une co-composition avec Vivian Li pour l’éclipse solaire du 8 avril 2024, Julien Mineau avec Fontarabie et les trames sonores de Game Death et L’Ouragan F.Y.T. Il travaille maintenant en coulisse, compose et produit dans son studio maison en Mauricie8.

Le Compte Complet de Malajube

Le compte complet, 2004. Pistes préférées de votre archiviste mélomane : Le Bataillon, Le jus de citron. Boni : la chanson cachée dans Conclusion à 8 minutes 34 secondes – un vestige de leur passé de groupe anglophone.

En 2026, Trompe l’Oeil aura 20 ans… On se voit dans 2 ans !


  1. Toutes les dates sont : l’album numérique le 11 février 2004, la sortie officielle de l’album le 2 novembre 2004. Pour écouter l’album numérique, voir Malajube, « Le Compte Complet », Bandcamp, URL : www.malajube.bandcamp.com/album/le-compte-complet (Consultée le 5 novembre 2024). ↩︎
  2. Philippe Renaud, « Plus que du bonbon », La Presse [Montréal], Cahier C. Arts et Spectacle, 27 novembre 2004, p. 12. ↩︎
  3. Charles Bérubé-Rémillard, « Malajube, c’est bon… », Polyscope, Vol.39, No 4, 30 septembre 2005, p. 9. ↩︎
  4. Philippe Renaud, « Coup de foudre pour Malajube », La Presse [Montréal], Cahier C. Arts et spectacle, 14 février 2005, p. 8. ↩︎
  5. Ibid. ↩︎
  6. Bernard Lamarche, « Ça plane pour Malajube », Le Devoir [Montréal], 2005, p. E2. ↩︎
  7. Patrick Turgeon, « Au rythme de la musique », Les 2 Rives [Sorel-Tracy], Revue 2006, 2006, p. 51. ↩︎
  8. Ibid. ↩︎

Catégorie(s) : Histoire du Québec

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