Décès de l’auteur Georges Aubin

Né en 1942 à Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière, Georges Aubin obtient une licence de pédagogie auprès de l’Université de Montréal en 1966. Si plusieurs se souviennent de lui pour avoir assisté aux cours d’histoire, de français et de latin qui enseignait au secondaire, d’autres penseront plutôt à sa passion pour l’histoire des patriotes, et plus particulièrement pour la famille Papineau. Plus d’une centaine d’ouvrages ont été le fruit de son travail acharné, dont une trentaine abordant spécifiquement les « Troubles de 1837-1838 ». Aubin a notamment publié un recueil de la correspondance de Louis-Joseph Papineau en six volumes, diffusant bon nombre de documents d’archives difficilement accessibles et facilitant par le fait même la recherche sur ce sujet. Il fit don des copies constituant cet ensemble de lettres à la Société historique Pierre-de-Saurel en 2020. Cet ouvrage est disponible à la consultation dans nos locaux sur rendez-vous.

Tout récemment, M. Aubin nous avait fait l’honneur de sélectionner certaines correspondances d’Auguste-Cyrille et de Louis-Gustave Papineau qui portaient sur Sorel. Pour souligner son départ, il nous semblait tout naturel de vous les partager, elles qui avaient été publiées dans l’édition 2023 du Saurelois. Comme il nous l’avait résumé alors :

« Ces lettres d’Augustin-Cyrille Papineau proviennent du Fonds Papineau à BAnQ Vieux-Montréal, sous la cote P7 S1 D45b. Augustin-Cyrille Papineau (1828-1915) est fils de Denis-Benjamin Papineau et d’Angelle Cornud; il est le neveu de Louis-Joseph. Il fit une carrière comme avocat, puis comme juge. Les deux lettres que vous avez ont été écrites de Sorel alors qu’il y faisait un séjour à la cour de Circuit. Il écrit à son fils aîné, Louis-Gustave Papineau, ingénieur civil, qui a travaillé aux écluses de Saint-Ours. »

L.G. Papineau, écr

Saint-Jean

Sorel, Brunswick Hotel, 3 avril 1887

Mon cher Gustave,

            J’avais pensé, il y a quelques jours, à vous aller faire une surprise en passant le jour des Rameaux avec Juliette, Françoise, Marguerite et toi, à Saint-Jean. C’est moi qui me suis trouvé surpris : on m’a envoyé sur le Richelieu, mais à son embouchure, non à son milieu, et j’y suis pour jusqu’au samedi saint inclusivement, pour y tenir la Cour supérieure jusqu’à vendredi et commencer la Cour de circuit samedi. Elle devrait se continuer le 10 et le 11, mais le 10 est Pâques, et le 11 est le lundi de Pâques, fête légale ! S’il y a beaucoup d’affaires de circuit, il faudra peut-être continuer cette cour à un autre jour de la semaine suivante, ce que je ne connais pas encore. Dans tous les cas, je ne me propose pas de rester ici le jour de Pâques. J’ai même envie d’aller le passer chez Victor, en me rendant à Coaticook samedi soir. Cela me donnerait deux jours, en comptant le lundi.

            J’aurai à mûrir ce projet ou à le sacrifier encore, ce que je ne sais pas encore précisément.

            Je suis ici depuis jeudi soir dans un bon hôtel. On m’a donné la meilleure et la plus belle chambre de la maison, donnant en front sur le Saint-Laurent d’un côté, sur un bon salon bien meublé, et, de l’autre côté, sur un passage qui me sépare de Venice et qui me conduit par Monaco et la Veuve Clicquot à la tête de l’escalier qui me donne accès à la chambre d’entrée, au bureau de réception, au salon d’attente et à la salle à dîner.

            L’hôtel est pourvu d’un téléphone, de sonneries électriques et de gaz dans toutes les chambres et autres pièces de la maison, et très proprement meublé. Le service est bien fait. Les domestiques sont assez nombreux et polis pour tout le monde. Ils sont actifs.

            Le temps est magnifique depuis trois jours, et cela m’aide bien à ne pas trouver mon séjour ici désagréable. C’est joli de voir la bordure de vaisseaux à vapeur et autres qu’il y a ici de chaque côté du Richelieu, sur une longueur de près d’un mille. Ils sont tous pimpants ou à la veille de l’être. On leur fait la toilette du printemps en les peinturant à neuf, après avoir réparé, durant l’hiver, les avaries de la saison dernière.

            Il y avait beaucoup de paris, me dit-on, que la rivière aurait été libre à son embouchure la semaine dernière. Les parieurs ont la figure longue; la glace est presque aussi ferme qu’en hiver et il y a quatre pieds de neige par-dessus qui empêchent le soleil de la miner rapidement.

            On commence à voir un peu d’activité parce que les agents et directeurs des compagnies de navigation viennent surveiller et hâter les réparations à faire aux nombreux vaisseaux qui garnissent le havre.

            Embrasse pour moi Juliette, Françoise et Marguerite. Vous serez peut-être au No 90 Saint-Denis cette semaine ? Je le souhaite pour ta mère. Elle sera si contente de vous voir !

            Ton père affectionné. Auguste.

L.G. Papineau, écr

Saint-Jean

Sorel, 14 avril 1887

Mon cher Gustave,

            J’ai reçu hier au soir ta bonne lettre du 12 avril et, comme la malle part d’ici le matin à 7 h, je me hâte d’y répondre, afin que tu puisses recevoir ma réponse assez tôt.

            La créance Tweedie me paraît bonne, si l’acheteur est un homme qui peut faire ses paiements au moyen de son industrie et de ses économies annuellement. Le fonds de terre n’est pas d’une grande valeur annuelle, mais je crois qu’un homme capable de scier du bois et de veiller à l’économie de l’administration du moulin peut réussir.

            Je puis te laisser avoir de $600 à $800 pour acheter cette créance et prendre une part de celle-ci, proportionnelle à la somme fournie, ou te prêter cela pour compléter ce qui te manque. Dans l’un ou l’autre cas, je te laisserais faire la transaction en ton nom seul.

            Comme j’ai peu de temps, je vais terminer en te remerciant de m’avoir laissé ta femme et ta fille que je pourrai voir à Montréal samedi prochain.

            Je vais écrire à Sam ce matin même que tu es prêt à faire l’achat.

            Avec amitié, ton père affectionné. Auguste.

            P.-S. J’écris à Sam que tu me charges de lui dire que tu feras la transaction et que samedi prochain ou lundi je pourrai t’aider.

            Je n’ai rien engagé de tes fonds à Coaticook, n’ayant pas eu le temps de voir M. Gendreau.

SHPS, Fonds Imprimerie Mongeon et Fils, P256, S2, D1, Rue du Roi.

L.G. Papineau, écr

Saint-Jean

Sorel, vendredi 6 mai 1887

Mon cher Gustave,

            Tu as probablement appris que je suis ici depuis samedi dernier pour y tenir la cour. Je resterai encore jusqu’à lundi soir inclusivement, peut-être jusqu’à mardi après-midi.

            J’ai vu passer bien des glaçons sur le Saint-Laurent depuis mon arrivée et il en est passé une bien plus grande quantité que je n’ai pas vue, étant constamment à la cour, entre 9 h du matin et 5 ou 6 h du soir.

            J’ai eu la bonne chance de voir arriver aussi la chaleur, la douce chaleur du printemps et une multitude de beaux et bons petits oiseaux que nous ne voyons pas à Montréal, chassés comme ils le sont par les moineaux, le brouhaha et l’atmosphère impure de la grande ville. Il y a tant d’arbres dans les rues et la place publique de Sorel que les oiseaux s’y plaisent et sont en très grand nombre. Les hirondelles ont été vues par moi lundi pour la première fois. Elles étaient peut-être venues plus tôt.

            Il est déjà passé plusieurs transatlantiques, en route pour Montréal. Ces gros steamers passent très près de la ville et, à l’œil nu, on peut distinguer d’ici un homme d’avec une femme qui se promène sur le pont.

            Tous les steamboats du Saint-Laurent et du Richelieu et du Saguenay ont hiverné ici cette année, au moins tous ceux qui appartiennent à la compagnie du Richelieu et Ontario, et un nombre aussi considérable d’autres avec tous les dragueurs du gouvernement. Il y a beaucoup d’activité dans le port au printemps, et cela donne de la vie à cette petite ville.

            Aujourd’hui, la salle à dîner du Brunswick contenait tant de monde à la fois qu’il n’y avait pas assez de monde pour le service du dîner. L’hôtelier, sa femme et son fils ont été obligés d’aider à servir la table. Cela les fatigue, mais le soir ils peuvent reposer les yeux sur de bonnes recettes qui les soulagent de cette fatigue.

            Je suis assez bien quoique un peu fatigué. Je n’ai pas eu de nouvelles de vous autres depuis quelques jours et je serais tout à fait heureux d’en avoir, si tu as le loisir d’écrire un mot ou si Juliette se sent le courage de le faire.

            Aujourd’hui, le juge Loranger a dîné avec moi et m’a dit que tout le monde à la maison était en bonne santé mercredi. Il avait vu Marie ce jour-là et s’était renseigné sur la santé de ses voisines.

            Le temps chaud que nous avons eu et le sable qui s’échauffe rapidement à Sorel ont merveilleusement activé la végétation depuis dimanche, si bien que des champs où l’on ne voyait que poindre les premières feuilles d’herbe sont couverts d’une herbe assez longue pour faire de bons pâturages pour les animaux. Le square en face du palais de justice, à moitié couvert de neige samedi dernier, est couvert de verdure aujourd’hui sur presque toute sa surface.

            Fais toutes les amitiés que tu sauras imaginer à Juliette et à Marguerite que j’embrasse toutes deux bien cordialement.

            Ton père affectionné.

Auguste

Catégorie(s) : Nouvelles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *