Héron sur une carte

Une collection digne de l’époque victorienne

Les cartes à collectionner telles qu’on les connaît aujourd’hui sont originaires de la période victorienne où, Canadiens, Américains et Britanniques, ont développé une passion inégalée pour la cartophilie. Plus qu’un simple intérêt pour les cartes postales, on s’intéressait alors à toutes sortes de cartes – des cartes de visite au « chromos », le surnom donné aux imprimés issus de la chromolithographie. Cette passion a touché l’un de nos donateurs, M. Joseph Mandeville, qui a rassemblé une impressionnante collection de cartes du 20e siècle. En voici quelques exemples !

Début du siècle

Les « trade cards », ou cartes à collectionner étaient données au moment de l’achat et venaient principalement des États-Unis. C’est finalement leur popularité au cours des années 1880 qui a poussé les compagnies, telles que l’Imperial Tobacco, puis Church & Dwight, à proposer un ensemble de cartes à collectionner, qu’on identifiait à l’aide de séries et de numéros.

Au Canada, c’est d’abord deux imprimeurs, de Toronto (Toronto Lithographic Compagny) et de Montréal (Prior and Randall), qui s’intéressent à l’impression en lithographie et au marché des cartes à collectionner; ils proposent dès lors des imprimés purement « canadiens ».

Les compagnies de cigarettes sont les premiers à profiter de cet engouement.

Selon John Bell: « Bien entendu, le tabac, qui était déjà une substance très addictive, est devenue encore plus intéressant, entre autres à cause des nouvelles cartes à collectionner, surtout destinées aux hommes adultes et qui proposaient des portraits d’actrices aguichants et d’autres belles femmes. »

***

« Tobacco, which of course, was already highly addictive, now became even more seductive, particularly when the new trading cards, which were then aimed largely at an adult male audience, featured enticing portraits of actresses and other beauties1. »

D’autres sujets, comme des troupes ou militaire, des animaux, des faits divers sont tout autant appréciés pendant la période de la Première et la Deuxième Guerre mondiale.

Parmi toutes les compagnies de tabac, c’est l’Imperial Tobacco Compagny et ses noms de marques secondaires, comme Sweet Caporal ou Millbank, qui sont le plus présentes dans cette collection.

Les années folles

Pourtant, ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à cette technique pour susciter l’intérêt des consommateurs. Pendant les Années folles, on estime que près de 20% des cartes à échanger au Canada (qui ne porte pas sur le sport) ont été imprimé pendant cette décennie – et il n’est pas question que de cigarettes !

En effet, c’est au cours de cette décennie que d’autres types de compagnies cherchent à intéresser une toute nouvelle branche de la population à ses produits; il n’est plus question que de s’adresser à une clientèle adulte et masculine ! Les bonbons, mais surtout les chocolats, sont le principal secteur d’activité où la vente de cartes est prolifique et compétitive. Parmi la collection de M. Mandeville, on retrouve des exemplaires de Walter M. Lowney Co., Willard’s et William Paterson Limited, mais les cartes les plus nombreuses sont celles de la compagnie Cowan.

C’est elle, plus que les autres, qui s’est démarquée dans le temps, entre autres à cause de la qualité de ses illustrations, ainsi que le format, plus large, de ces cartes. Si M. Mandeville possédait plusieurs séries sous cette marque, nous avons particulièrement apprécié les séries sur la faune et la flore canadienne, brillamment illustrées par l’artiste canadien William Redver Stark (1885-1953).

Plusieurs séries possèdent encore le coupon d’origine. À l’époque, son propriétaire pouvait en échanger un certain nombre à la compagnie pour recevoir un cadeau « premium ». Dans ce cas-ci, il est question d’une affiche grand format des œuvres présent dans la série.

Les entres guerres

Pendant la période d’entre deux guerres, c’est au secteur des gommes à mâcher de se développer. On attribue cet entrain à Enos Goudey, un homme d’affaires de la Nouvelle-Écosse, qui s’est installé aux États-Unis en 1919 et dont la compagnie, Goudey Gum, lance la célèbre « Big League Baseball set ». Elle lance aussi quelques séries sur des sujets qui ne portent pas sur les sports, comme les scouts ou les pirates des mers. Une branche de Goudey, d’abord sise à Montréal, puis à Granby, s’occupe de la vente de ses produits au Canada.

Quant à elles, les compagnies de céréales proposent d’abord quelques séries de cartes, mais c’est après la guerre, avec la naissance de la génération du Baby Boom, qu’elles deviennent plus prédominantes dans les collections d’amateurs. Au Canada, les plus populaires sont celles de Kellog’s, Quaker Oats, General Mills, Ogilvie Oats et Canadian Shredded Wheat (plus connue sous le nom de Nabisco).

Pendant cette période, on diversifie les formats, mais aussi la forme des « cartes », qui deviennent des « cutouts » ou des stencils qu’on collectionnait dans des livrets. Des collants, des imprimés sensibles à la chaleur, ainsi que des « décalques » étaient les choix offerts aux consommateurs.

La modernité

Un autre grand joueur prend place dans la vente des cartes au début des années 1960, Brooke Bond. Plus connue dans les épiceries sous son nom de marque, Red Rose, la compagnie canadienne propose de nombreuses séries de petites cartes très bien illustrées que l’on recueillait dans les boîtes de thé.

Entre 1950 et 1973, Brooke Bond a publié 17 séries portant, entre autres, sur la faune et la flore canadienne, l’océan, l’espace, l’Arctique et les dinosaures.

Comme pour les gommes à mâcher, le succès des cartes Red Rose a suscité l’intérêt des autres compagnies de thé et plus largement du domaine alimentaire; Jell-O, croustilles, beurre d’arachides, etc.

Comme le souligne John Bell dans son ouvrage sur le sujet: « Probablement aucune autre période n’a connu autant de diversité dans les séries de cartes issues des produits alimentaires canadiens, dont plusieurs comprenaient des albums ou des affiches ».

***

« Probably no other era witnessed such a diversity of Canadian food issues, several of which featured albums or wall charts/displays.2 »

Conclusion

Depuis les années 1970, l’attrait des cartes à collectionner varie beaucoup. Nonobstant celles qui portent sur le sport et qui attirent toujours autant les collectionneurs, on peut dire que l’intérêt pour la cartophilie s’est adouci depuis l’époque victorienne; qu’elle est aujourd’hui un passe-temps niché, qui rassemble toujours un cercle de passionné. La plupart des compagnies nommées ci-dessus, si elles existent toujours, ont depuis cherché d’autres moyens pour mettre leur produit de l’avant !

  1. John Bell, The Canadian Non-Sports Catalogue, Vintage Cards and Related Preniums Issued in Canada, 1875-1975, Rockbound Books, 2019, p. 9. ↩︎
  2. Ibid., p. 13. ↩︎

Catégorie(s) : Archives, Art, Histoire locale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *